Femme artiste, indépendante, engagée, oubliée ?

Muse, séductrice ou mère nourricière, la femme toujours peinte ou sculptée, jamais artiste, incarne les stéréotypes forgés par le regard masculin. Invisibles mais bien réelles, les femmes artistes existent depuis des siècles. Elles questionnent, bousculent, revisitent leur identité et affirment leur propre voix (d’artiste).

Juliette Benhamou

6/28/20253 min read

 Jacqueline Marval, L’Odalisque au guépard,
 Jacqueline Marval, L’Odalisque au guépard,

L’art comme terrain d’émancipation

Sommes-nous seulement capables de citer 5 artistes femmes ? Élisabeth Vigée Le Brun au XVIIIe siècle, Rosa Bonheur et Berthe Morisot au XIXe siècle… autant de noms qui témoignent d’une création féminine active, bien que trop rarement enseignée, encore moins exposée.

En 1971, l’historienne de l’art Linda Nochlin publie un article majeur : « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? ». Elle y démonte le mythe du génie masculin, et analyse les barrières structurelles qui ont empêché les femmes d’accéder à la formation et à la reconnaissance. L’exclusion des ateliers, l’interdiction du modèle nu, l’invisibilisation dans les musées… Autant d’obstacles qui n’ont pas empêché la création, mais ont limité sa diffusion.

Révolutions silencieuses

Le XXe siècle marque un tournant : avec les avant-gardes des années 1920, des figures subversives émergent, comme Claude Cahun, qui déconstruit les normes de genre à travers ses photographies
Mais c’est dans les années 1970 que s’impose un véritable courant féministe dans l’art.
En s’appropriant des médiums nouveaux comme la performance ou la vidéo – moins institutionnalisés et donc plus libres – les artistes femmes abordent des sujets tels que le corps, le désir, ou le contrôle social, avec une radicalité inédite.

Quelques repères chronologiques

  • 1900 : Les femmes n’ont pas accès au modèle nu vivant à l’École des Beaux-Arts de Paris, essentiel à la formation.

  • 1937 : Les femmes artistes d’Europe, première exposition d’envergure à Paris au Jeu de Paume.

  • 1967–1969 : Les WAR (Women Artists in Revolution) dénoncent la faible représentation féminine dans les musées américains. Valerie Solanas publie le SCUM Manifesto.

  • 1971 : Linda Nochlin publie son article fondateur « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes
    femmes ? »

  • 1981 : Création du National Museum of Women in the Arts à Washington.

  • 2009 : Le Centre Pompidou consacre pour la première fois un accrochage aux artistes femmes de sa collection.

  • Aujourd’hui : Les femmes représentent seulement 10 % des artistes exposé·es dans les grandes institutions françaises.

Les expos pour découvrir des artistes femmes

  • Le musée Jacquemart-André met à l’honneur Artemisia Gentileschi, figure majeure de l'art baroque et du mouvement caravagesque. À travers des chefs-d’œuvre incontournables et des peintures rarement exposées à Paris, venez découvrir cette grande artiste italienne du XVIIe siècle.

« Artemisia Gentileschi, Heroïne de l’art », Musée Jacquemart-André , Paris, du 19 mars au 3 août 2025

  • Plongez au cœur de 15’000 ans d’histoire genevoise, réinterprétée par l’artiste new-yorkaise Carol Bove, née à Genève en 1971. L’exposition propose un nouveau regard sur la collection du MAH, et invite à parcourir une ligne du temps allant des découvertes archéologiques régionales aux pièces contemporaines les plus récentes.

« La Genevoise. Carte blanche à Carol Bove », musée d’Art et d’Histoire, Genève, du 31 janvier au 22 juin 2025

  • Bozar consacre pour la première fois une exposition individuelle d’ampleur à Berlinde De Bruyckere (Gand, 1964). La singularité de la condition humaine constitue le point central de son œuvre au caractère obsédant.

« Berlinde De Bruyckere. Khorós », Bozar, Bruxelles, du 21 février au 31 août

Autant d’occasions de découvrir des artistes puissantes, complexes, inclassables.

brenda fajardo self portrait
brenda fajardo self portrait

Rendre visible les artistes oubliées

Aujourd’hui encore, la reconnaissance reste tardive. Louise Bourgeois, Nil Yalter ou Carmen Herrera n’ont connu leur première grande exposition qu’à un âge avancé. D’autres, comme Hilma af Klint ou Claude Cahun, n’ont été redécouvertes qu’après leur mort.

Des initiatives comme AWARE – Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, cofondée par Camille Morineau, œuvrent pour une relecture paritaire de l’histoire de l’art. Leur objectif : rendre accessibles les trajectoires d’artistes femmes du XVIIe au XXIe siècle, et les faire entrer durablement dans les récits officiels.

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